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— Et leurs fils n’ont vu que ruines et malheurs ! Qu’est-il arrivé ? la race maudite des rois détrônés se joint à la race non moins maudite de leurs anciens clients ou seigneurs, et tous, irrités d’être dépossédés de leur autorité, espèrent la ressaisir au milieu des malheurs publics, et exploitent avec une perfidie infâme l’inconstance, l’orgueil, l’indiscipline de notre caractère qu’améliorait déjà la puissante influence des druides ; les rivalités de province à province, depuis longtemps assoupies, se réveillent ; les jalousies, les haines, renaissent dans la république ; l’œuvre d’union se démembre de toutes parts. Les rois ne remontent pas pour cela sur le trône ; plusieurs de leurs descendants sont juridiquement exécutés ; mais ils ont déchaîné les partis. La guerre civile s’allume, les provinces puissantes veulent asservir les plus faibles. Ainsi, à la fin du dernier siècle, les Marseillais, descendants de ces Grecs exilés, à qui la Gaule avait généreusement cédé le territoire où ils bâtirent leur ville, veulent s’ériger en suzerains de la province. Elle se soulève. Marseille, menacée, appelle les Romains à son secours… Ils viennent, non pour soutenir Marseille dans son iniquité, mais pour s’emparer eux-mêmes de la contrée, malgré les prodiges de valeur de ses habitants. Voilà donc les Romains établis en Provence ; ils y bâtissent la ville d’Aix, et fondent ainsi leur première colonie dans notre pays…

— Ah ! maudits soient les gens de Marseille ! — s’écria Joel. — C’est grâce à ces fils des Grecs que les Romains ont mis le pied chez nous !

— Et de quel droit maudire les gens de Marseille ? Ne doivent-elles pas être aussi maudites ces provinces, qui, depuis la décadence de la république, laissaient ainsi écraser, asservir, une de leurs sœurs par l’étranger ? Mais prompte est la punition du mal ! Les Romains, encouragés par l’insouciance de la Gaule, s’emparent de l’Auvergne, puis du Dauphiné, plus tard du Languedoc et du Vivarais, malgré la défense héroïque de ces populations divisées entre elles et abandonnées à leurs seules forces. Voilà donc les Romains maîtres de presque tout