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— Oh non ! oh non ! — répétèrent toutes les personnes de la famille d’un air très-déterminé, — oh non ! il nous faut plus d’un récit.

— Il y aurait pourtant mieux à faire, dans les temps où nous vivons, que de raconter et d’écouter de frivoles histoires… — dit l’étranger d’un air pensif et sévère.

— Je ne te comprends pas, — reprit Joel non moins surpris que sa famille ; et tous pendant un moment regardèrent silencieusement le voyageur.

— Non, tu ne me comprends pas, je le vois, — dit tristement l’inconnu. — Alors, je vais tenir ma promesse… chose promise, chose due…

Puis il ajouta en montrant Julyan toujours assis au fond de la salle à côté du corps d’Armel couvert de feuillage :


— Il faut bien que ce jeune homme ait demain à raconter quelque chose à son ami, lorsqu’il ira le retrouver… ailleurs.

— Va, notre hôte… conte, — répondit Julyan, le front toujours appuyé dans ses deux mains, — conte… je ne perdrai pas une de tes paroles… Armel saura le récit tel que tu vas le dire…

— Il y a deux ans, voyageant chez les Gaulois des bords du Rhin, — reprit l’étranger ; — je me trouvais un jour à Strasbourg. J’étais sorti de la ville pour me promener au bord du fleuve. Bientôt je vis arriver une grande foule de gens, ils suivaient un homme et une femme, jeunes tous deux, beaux tous deux, qui portaient sur un bouclier, dont ils tenaient les côtés, un petit enfant né à peine depuis quelques jours. L’homme avait l’air inquiet et sombre, la femme était pâle et calme. Tous deux s’arrêtèrent sur la rive du fleuve, à un endroit où il est très-rapide. La foule s’arrêta comme les deux personnes qu’elle accompagnait. Je m’approchai, et demandai à quelqu’un quels étaient cet homme et cette femme. — « L’homme se nomme Vindorix et la femme Albrège ; ils sont époux, » — me répondit-on. — Alors je vis Vindorix, l’air de plus en plus