Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

haine, mais d’une fière outre-vaillance ; ils n’échangeaient pas de paroles de colère, mais d’amicale joyeuseté, tout en se portant des coups terribles, et parfois mortels, s’ils n’eussent été évités avec adresse. À chaque estocade brillamment portée ou dextrement parée, au moyen du bouclier, hommes, femmes et enfants battaient des mains, et, selon les chances du combat, criaient, tantôt :

— Hèr !… hèr !… Julyan !…

— Hèr !… hèr !… Armel !…

De sorte que ces cris, la vue des combattants, le bruit du choc des armes, rappelant même au vieux grand dogue de guerre ses ardeurs de bataille, Deber-Trud, le mangeur d’hommes, poussait des hurlements féroces en regardant son maître, qui de sa main le calmait en le caressant.

Déjà la sueur ruisselait sur les corps jeunes, beaux et robustes de Julyan et Armel, égaux en courage, en vigueur, en prestesse ; ils ne s’étaient pas encore atteints.

— Dépêchons, frère Julyan ! — dit Armel en s’élançant sur son compagnon avec une nouvelle impétuosité. — Dépêchons pour entendre les beaux récits du voyageur…

— La charrue ne peut pas aller plus vite que le laboureur, frère Armel, — répondit Julyan.

Et en disant cela, il saisit son sabre à deux mains, se dressa de toute sa hauteur, et asséna un si furieux coup à son adversaire, que, bien que celui-ci, se jetant en arrière, eût tenté de parer avec son bouclier, le bouclier vola en éclats, et le sabre atteignit Armel à la tempe ; de sorte qu’après s’être un instant balancé sur ses pieds, il tomba tout de son long sur le dos, tandis que tous ceux qui étaient là, admirant ce beau coup, battaient des mains en criant :

— Hèr !… hèr !… Julyan !…

Et Rabouzigued criait plus fort que les autres :

— Hèr !… hèr !…

Mamm’Margarid, après avoir abaissé sa quenouille pour annon-