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temps maintenant le souper, car Margarid fait débrocher les moutons ; tu en mangeras, ami, et tu verras quel bon goût donnent à leur chair les prairies salées qu’ils paissent le long de la mer.

Tous les hommes de la famille de Joel qui entrèrent dans la salle portaient, comme lui, la saie de grosse étoffe sans manches, laissant passer celles de la tunique ou chemise de toile blanche ; leurs braies tombaient jusqu’au-dessus de la cheville, et ils étaient chaussés de solés. Quelques-uns de ces laboureurs, arrivant des champs, avaient sur l’épaule une casaque de peau de brebis qu’ils retirèrent. Tous avaient des bonnets de laine, les cheveux longs et coupés en rond, la barbe touffue. Les deux derniers qui entrèrent se tenaient par le bras : ils étaient très-beaux et très-robustes.

— Ami Joel, — dit l’étranger, — quels sont ces deux jeunes gens ? les statues du dieu Mars des païens ne sont pas plus accomplies, n’ont pas un aspect plus valeureux…

— Ce sont deux de mes parents, deux cousins, Julyan et Armel ; ils se chérissent comme frères… Dernièrement un taureau furieux s’est précipité sur Armel : Julyan, au péril de sa vie, a sauvé Armel… Grâce à Hésus, nous ne sommes pas en temps de guerre ; mais s’il fallait prendre les armes, Julyan et Armel se sont juré d’être saldunes… Ah ! voici le souper prêt… Viens ; à toi la place d’honneur…

Joel et l’inconnu s’approchèrent de la table ; elle était ronde, peu élevée au-dessus du sol, recouvert de paille fraîche ; tout autour de la table il y avait des sièges rembourrés de foin odorant. Les deux moutons rôtis, dépecés par quartiers, étaient servis dans de grands plats de bois de hêtre, blancs comme de l’ivoire ; il y avait aussi de grosses pièces de porc salé et un jambon de sanglier fumé : le poisson restait dans le grand bassin de cuivre où il avait cuit.

À la place où s’asseyait Joel, chef de la famille, on voyait une immense coupe de cuivre étamé, que deux hommes très-altérés n’auraient pu tarir. Ce fut devant cette coupe, marquant la place d’hon-