Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.

correspondant à la porte intérieure de la cour : toutes se fermaient à la tombée du jour.

Le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants, tous parents plus ou moins proches de Joel, qui cultivaient les champs avec lui, était considérable. Ils logeaient dans des bâtiments dépendants de la maison principale, où ils se réunissaient au milieu du jour et le soir pour prendre leur repas en commun.

D’autres habitations ainsi construites et occupées par de nombreuses familles, qui faisaient valoir leurs terres, étaient çà et là dispersées dans la campagne et composaient la ligniez ou tribu de Karnak, dont Joel avait été élu chef.

À son entrée dans la cour de sa maison, Joel avait été accueilli par les caresses de son vieux grand dogue de guerre Deber-Trud, molosse gris de fer, rayé de noir, à la tête énorme, aux yeux sanglants, chien de si haute taille, qu’en se dressant pour caresser son maître, il lui mettait ses pattes de devant sur les épaules ; chien si valeureux qu’une fois il avait combattu seul un ours monstrueux des montagnes d’Arrès, et l’avait étranglé. Quant à ses qualités pour la guerre, Deber-Trud eût été digne de figurer dans la meute de combat de Bithert, ce chef gaulois, qui disait dédaigneusement à la vue d’une troupe ennemie : Il n’y a pas là un repas pour mes chiens.

Deber-Trud ayant d’abord regardé et flairé le voyageur d’un air douteux, Joel dit à son chien :

— Ne vois-tu pas que c’est un hôte que j’amène ?

Et Deber-Trud, comme s’il eût compris son maître, ne parut plus s’inquiéter de l’étranger, et, gambadant lourdement, précéda Joel dans la maison.

Cette maison était divisée en trois pièces, de grandeur inégale ; les deux petites, fermées par deux cloisons de chêne, étaient destinées l’une à Joel et à sa femme, l’autre à Hêna leur fille, la vierge de l’île de Sên, lorsqu’elle venait voir sa famille. La vaste salle du milieu servait aux repas et aux travaux du soir à la veillée.