lan, près la lisière de la forêt de Karnak, la plus célèbre forêt de la Gaule bretonne.
Un soir, le soir du jour qui précédait celui où Hêna, sa fille… sa fille bien aimée lui était née… il y avait dix-huit ans de cela… Joel et son fils aîné, Guilhern, à la tombée du jour, retournaient à leur maison, dans un chariot traîné par quatre de ces jolis petits bœufs bretons dont les cornes sont moins grandes que les oreilles. Joel et son fils venaient de porter de la marne dans leurs terres, ainsi que cela se fait à la saison d’automne, afin que les champs soient marnés pour les semailles de printemps. Le chariot gravissait péniblement la côte de Craig’h, à un endroit où le chemin très-montueux est resserré entre de grandes roches, et d’où l’on aperçoit au loin la mer, et plus loin encore l’île de Sên, île mystérieuse et sacrée.
— Mon père, — dit Guilhern à Joel, — voyez donc là-bas, au sommet de la côte, ce cavalier qui accourt vers nous… Malgré la raideur de la descente, il a lancé son cheval au galop.
— Aussi vrai que le bon Elldud a inventé la charrue, cet homme va se casser le cou.
— Où peut-il aller ainsi, père ? Le soleil se couche ; il fait grand vent, le temps est à l’orage, et ce chemin ne mène qu’aux grèves désertes…
— Mon fils, cet homme n’est pas de la Gaule bretonne ; il porte un bonnet de fourrure, une casaque poilue, et ses jambes sont enveloppées de peaux tannées assujetties avec des bandelettes rouges.
— À sa droite pend une courte hache, à sa gauche un long couteau dans sa gaine. — Son grand cheval noir ne bronche pas dans cette descente….. Mais où va-t-il ainsi ?
— Mon père, cet homme est sans doute égaré ?
— Ah ! mon fils, — que Teutâtès t’entende !… Nous offririons l’hospitalité à ce cavalier ; son costume annonce qu’il est étranger… Quels beaux récits il nous ferait sur son pays et sur ses voyages !…