— M’est avis que vous devez prévenir madame ; car elle se défiera peut-être de cette grosse fourniture de toile. Hum… hum…
— Je suivrai votre conseil, Gildas.
— Et vous ferez bien. Ah ! ma chère fille… les hommes à casque…
— Bon, nous y voilà… votre chanson, n’est-ce pas ?
— Elle est terrible, Jeanike ! Ma mère me l’a cent fois contée à la veillée, comme ma grand-mère la lui avait contée, de même que la grand-mère de ma grand-mère…
— Allons, Gildas, dit Jeanike en riant et en interrompant son compagnon, de grand-mère en mère-grand’, vous remonterez ainsi jusqu’à notre mère Ève…
— Certainement, est-ce qu’au pays on ne se transmet pas de famille en famille des contes qui remontent…
— Qui remontent à des mille, à des quinze cents ans et plus, comme les contes de Myrdin et du Baron de Janioz, avec lesquels j’ai été bercée. Je sais cela, Gildas.
— Eh bien, Jeanike, la chanson dont je vous parle à propos des gens qui portent des casques et rôdent autour des jeunes filles est effrayante, elle s’appelle Les Trois Moines rouges, dit Gildas d’un ton formidable, les Trois Moines rouges ou Le Sire de Plouernel (C).
— Comment dites-vous ? reprit vivement Jeanike frappée de ce nom… le sire de… ?
— Le sire de Plouernel.
— C’est singulier.
— Quoi donc ?
— Monsieur Lebrenn prononce quelquefois ce nom-là.
— Le nom du sire de Plouernel ? et à propos de quoi ?
— Je vous le dirai tout à l’heure ; mais voyons d’abord la chanson des Trois Moines rouges, elle va m’intéresser doublement.
— Vous saurez, ma fille, que les moines rouges étaient des templiers, portant sabre et casque comme cet épervier de dragon.