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sistance que nos ancêtres, — ajouta Sacrovir. — Ah ! quelle émotion sera la mienne lorsque je lirai ces caractères vénérés qu’ils ont tracés !… Mais l’écriture de la langue celtique ou gauloise est-elle donc tout à fait la même que l’écriture bretonne, que nous avons l’habitude de lire, père ?

— Non, mon enfant ; depuis nombre de siècles l’écriture gauloise, qui était d’abord la même que celle des Grecs, s’est peu à peu modifiée par le temps, et est tombée en désuétude ; mais mon grand-père, ouvrier imprimeur, aussi obscur qu’érudit et lettré, a traduit en écriture bretonne moderne tous les manuscrits écrits en gaulois. Grâce à ce travail, tu pourras donc lire ces manuscrits aussi couramment que tu lis ces légendes si aimées de notre brave Gildas, et qui, composées il y a huit ou neuf cents ans, courent encore nos villages de Bretagne, imprimées sur papier gris.

— Mon père, — dit Sacrovir, — une question encore… Notre famille a-t-elle donc pendant tant de siècles toujours habité la Bretagne ?

— Non… pas toujours, ainsi que tu le verras par ces récits… La conquête, les guerres, les rudes et différentes vicissitudes auxquelles était soumise, dans ces temps-là, une famille comme la nôtre, ont souvent forcé nos pères de quitter le pays natal, tantôt parce qu’ils étaient traînés esclaves ou prisonniers dans d’autres provinces, tantôt pour échapper à la mort, tantôt pour gagner leur pain, tantôt pour obéir à des lois étranges, tantôt par suite des hasards du sort ; mais il est bien peu de nos ancêtres qui n’aient accompli une sorte de pieux pèlerinage, que j’ai accompli moi-même, et que tu accompliras à ton tour le 1er janvier de l’année qui suivra ta majorité, c’est-à-dire le 1er janvier prochain.

— Pourquoi particulièrement ce jour, père ?

— Parce que le premier jour de chaque nouvelle année a toujours été dans les Gaules un jour solennel.

— Et ce pèlerinage, quel est-il ?