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voici les reliques de notre famille… À chacun de ces objets se rattache, pour nous, un souvenir, un nom, un fait, une date ; de même que lorsque notre descendance possédera le récit de ma vie écrit par moi, le casque de monsieur de Plouernel et l’anneau de fer que j’ai porté au bagne auront leur signification historique. C’est ainsi que presque toutes les générations qui nous ont succédé, ont, depuis près de deux mille ans, fourni leur tribut à cette collection.

— Depuis tant de siècles, mon père ! — dit Sacrovir avec un profond étonnement, en regardant sa sœur et son beau-frère.

— Vous saurez plus tard, mes enfants, comment sont parvenues jusqu’à nous ces reliques, peu volumineuses, vous le voyez ; car, sauf le casque de monsieur de Plouernel et un sabre d’honneur donné à mon père à la fin du dernier siècle, ces objets peuvent être renfermés, ainsi qu’ils l’ont été souvent, dans ce coffret de bronze… tabernacle de nos souvenirs, enfoui parfois dans quelque solitude, et y restant de longues années jusqu’à des temps plus calmes.

M. Lebrenn prit alors sur la table le premier de ces débris du passé, rangés par ordre chronologique. C’était un bijou d’or noirci par les siècles, ayant la forme d’une faucille, un anneau mobile fixé au manche indiquait que ce bijou avait dû se porter suspendu à une chaîne ou à une ceinture.

— Cette petite faucille d’or, mes enfants, — poursuivit M. Lebrenn, — est un emblème druidique ; c’est le plus ancien souvenir que nous possédions de notre famille ; son origine remonte à l’année 57 avant Jésus-Christ ; c’est-à-dire qu’il y a de cela aujourd’hui dix-neuf cent six ans.

— Et ce bijou… l’un des nôtres l’a porté, mon père ? — demanda Velléda.

— Oui, mon enfant, — répondit M. Lebrenn avec émotion. — Celle qui l’a porté était jeune comme toi, belle comme toi… et le cœur le plus angélique !… le courage le plus fier ! Mais à quoi bon ?… vous lirez cette admirable légende de notre famille dans ce manuscrit,