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enseveli avec ses coupes d’or, ses fleurs, ses chants et ses magnificences, sous le flot vengeur de quelque torrent populaire… Sans doute, hélas ! à ces terribles, mais légitimes représailles de l’opprimé, succédaient contre lui de féroces vengeances ; mais de formidables exemples étaient faits ; et toujours l’insurrection ou l’épouvante a arraché aux éternels oppresseurs de nos pères quelque durable concession écrite dans la loi et forcément observée.

— Je vous crois, — dit Sacrovir ; — si l’on juge du passé par le présent, car dans ces derniers temps l’insurrection a conquis nos libertés de 89 et 92, l’insurrection, en 1830, nous a rendu une partie de nos droits ; enfin, en 1848, l’insurrection a proclamé la souveraineté du peuple, et le suffrage universel, qui met un terme à ces luttes fratricides.

— Et il en a été toujours ainsi, mon enfant ; car tu le verras, il n’est pas une réforme sociale, politique, civile ou religieuse, que nos pères n’aient été forcés de conquérir de siècle en siècle au prix de leur sang !… Hélas ! cela est cruel… cela est déplorable ; mais que faire ? qui invoquer ? que résoudre ? Il fallait bien recourir aux armes, lorsque des privilégiés opiniâtres, inexorables, incorrigibles, répondaient aux larmes, aux douleurs, aux prières des opprimés : rien, rien, rien !  !… Alors d’effroyables colères surgissaient et le désespoir rendait les faibles forts… alors des torrents de sang coulaient des deux côtés… Mais sur qui ce sang doit-il retomber ?… Ah ! qu’il retombe tout entier sur ceux-là qui, par la force, réduisaient leurs frères à un abominable esclavage, sous lequel l’homme, parfois ravalé au niveau de la brute, n’en différait que par ces divins instincts de justice et de liberté que l’oppression la plus affreuse n’étouffe jamais en nous ! Aussi ces instincts se réveillaient-ils formidables lorsque sonnait, d’âge en âge, l’heure de l’affranchissement progressif de l’humanité… C’est ainsi qu’à force de vaillance, d’opiniâtreté, de batailles, de martyres, nos pères ont brisé d’abord les fers de l’esclavage antique où les Franks les avaient maintenus lors de la conquête ; puis ils