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Georges, — on est effrayé pour l’avenir de la république et de l’humanité.

— Voyons, mes enfants, — dit M. Lebrenn en souriant ; — que se passe-t-il donc de si terrible ? contez-moi cela…

— Comment, mon père ! — s’écria Georges avec surprise, — vous nous le demandez ?

— D’abord, — s’écria le fils du marchand, — monsieur Bonaparte, premier magistrat de la république, monsieur Bonaparte, se recommandant naïvement des souvenirs de son oncle, l’homme du 18 brumaire ! l’un des plus horribles despotes qui aient jamais pesé sur la France, qu’il a ruinée, dépeuplée, livrée deux fois à l’invasion et aux Bourbons !…

— Comment ! — dit M. Lebrenn avec un éclat de rire homérique, — monsieur Louis Bonaparte vous fait peur !… Passons, mes enfants, passons, le suffrage universel, comme la lance magique, guérit les blessures qu’il a faites.

— Le gouvernement aux mains de ces gens, — reprit Georges, — dont les plus républicains regardent la république comme un essai…

— Oui, comme un essai… qu’ils font, eux, qui ont essayé tant de gouvernements, tant de fidélités, tant de serments !… C’est une vieille habitude chez eux… Ces pauvres hommes ! — répondit M. Lebrenn. — Qu’est-ce que ça nous fait ?… s’ils nous essayent, nous les essayons aussi, et, le jour venu, le scrutin leur dira : « Vous voyez bien, vous ne savez ni servir la république ni vous en servir… Allez-vous-en de là, s’il vous plaît… »

— Soit, mon père, — reprit Sacrovir ; — mais voici qui est effrayant : l’instruction publique livrée à monsieur Falloux ! l’apologiste de l’inquisition ! l’exécuteur des basses œuvres des jésuites ! l’audacieux souteneur de ce qu’il y a de plus haineux, de plus rétrograde, de plus impitoyable dans le parti catholique et absolutiste —… L’éducation de nos enfants livrée aux hommes noirs de cet homme noir !…

— Mes amis, — reprit M. Lebrenn, — sans remonter plus haut