Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins honoré de l’empreinte de la chaîne qu’il traîne que de ses cicatrices de 1830 ? Est-ce qu’au jour de la justice il ne sortira pas de leurs bagnes encore plus aimé, encore plus vénéré que par le passé ? Que prouvent ces persécutions, mes enfants ? que la haine et la vengeance peuvent devenir encore plus ridicules qu’elles ne sont odieuses ! Et l’on ne doit avoir que dégoût et pitié pour l’odieux et le ridicule !… Ah ! mes enfants ! pleurons l’absence de votre père… mais songeons que chaque jour de son martyre le grandit et l’honore !…

— Tu as raison, ma mère, — dit Sacrovir en soupirant. — Les pensées de haine et de vengeance sont mauvaises au cœur.

— Ah ! — reprit tristement Velléda, — pauvre père ! le jour de demain était attendu par lui avec tant d’impatience !…

— Le jour de demain ? — demanda Georges à sa femme ? — Pourquoi cela ?

— Demain est l’anniversaire de la naissance de mon fils, — reprit madame Lebrenn. — Demain, 11 septembre, il aura vingt-et-un ans ; et pour plusieurs raisons cet anniversaire devait être pour nous une fête de famille.

Madame Lebrenn achevait à peine ces mots, que l’on entendit sonner à la porte de l’appartement.

— Qui peut venir si tard ? Il est près de minuit, — dit madame Lebrenn. — Voyez ce que c’est, Jeanike.

— J’y vais, madame ! — s’écria héroïquement Gildas en se levant. — Il y a peut-être du danger.

— Je ne le pense pas, — reprit madame Lebrenn ; — mais allez toujours ouvrir.

Au bout d’un instant, Gildas revint, tenant une lettre qu’il remit à madame Lebrenn, en lui disant :

— Madame, c’est un commissionnaire qui a apporté cela… Il n’y a pas de réponse.

À peine la femme du marchand eut-elle jeté les yeux sur l’enveloppe, qu’elle s’écria :