de haute taille, portant le petit uniforme de général de brigade, habit bleu à épaulettes d’or, pantalon garance.
À l’aspect de cet officier général, M. Lebrenn, saisi de surprise, se renversa sur le dossier de son fauteuil et s’écria :
— Monsieur de Plouernel !…
— Qui n’a pas oublié la nuit du 23 février, monsieur — répondit le général en s’avançant et tendant la main à M. Lebrenn. Celui-ci la prit, tout en examinant par réflexion les deux étoiles d’argent dont étaient ornées les épaulettes d’or de M. de Plouernel. Alors il lui dit avec un sourire de bonhomie narquoise :
— Vous êtes devenu général au service de la république, monsieur ? et moi, je suis au bagne !… Avouez-le… c’est piquant…
M. de Plouernel regardait le marchand avec stupeur ; il s’attendait à le trouver profondément abattu, ou dans une irritation violente ; il le voyait calme et souriant avec malice.
— Eh bien ! monsieur, — reprit M. Lebrenn toujours assis, pendant que le général, debout, le considérait avec un ébahissement croissant, — eh bien ! monsieur, il y a tantôt dix-huit mois, lors de cette soirée dont vous voulez bien vous rappeler, qui eût dit que nous nous retrouverions dans la position où nous sommes tous deux aujourd’hui ?
— Tant de fermeté d’âme ! — dit M. de Plouernel, forcé de rendre hommage à la vérité. — C’est de l’héroïsme !
— Pas du tout, monsieur… c’est tout simplement de la conscience et de la confiance…
— De la confiance ?
— Oui… Je suis calme, parce que j’ai foi dans la cause à laquelle j’ai voué ma vie… et que ma conscience ne me reproche rien.
— Et pourtant… vous êtes ici, monsieur.
— Je plains l’erreur de mes juges…
— Vous… l’honneur même ! sous la livrée de l’infamie !…
— Bah ! cela ne déteint pas sur moi.