Et Georges Duchêne, les larmes aux yeux, le pressa dans ses bras.
La voix, le geste, l’accent de la physionomie de Georges causèrent une telle vive impression à l’homme qui criait vengeance, qu’il baissa la tête, jeta son sabre loin de lui ; puis, se laissant tomber sur un tas de pavés, il cacha sa figure entre ses deux mains, en murmurant à travers ses sanglots étouffés :
— Mon frère !… mon pauvre frère !…
Le combat a cessé depuis quelque temps. Le fils du marchand est allé aux informations ; il a apporté la nouvelle que le roi et la famille royale sont en fuite, que les troupes fraternisent avec le peuple, que la chambre des députés est dissoute, et qu’un gouvernement provisoire est établi à l’Hôtel de ville.
La barricade de la rue Saint-Denis est cependant toujours militairement gardée. En cas de nouvelles alertes, des vedettes avancées ont été placées. Çà et là gisent les morts des deux partis.
Les blessés appartenant soit à l’insurrection, soit à l’armée, ont été transportés dans plusieurs boutiques où sont établies des ambulances, ainsi que chez M. Lebrenn. Les soldats sont traités avec les mêmes soins que ceux qui les combattaient quelques heures auparavant. Les femmes s’empressent autour d’eux ; et s’il est quelque chose à regretter, c’est l’excès de zèle et la multitude des offres de service.
Plusieurs gardes municipaux et un officier de dragons, qui accompagnait le colonel de Plouernel, ayant été faits prisonniers, on les a répartis dans diverses maisons, d’où ils ont pu bientôt sortir, déguisés en bourgeois, et accompagnés bras dessus, bras dessous, par leurs adversaires du matin.
La boutique de M. Lebrenn est encombrée de blessés : l’un est étendu sur le comptoir, les autres sur des matelas jetés à la hâte sur le plancher. Le marchand et sa famille aident plusieurs chirurgiens du quartier à poser le premier appareil sur les blessures ; Gildas distribue de l’eau mélangée de vin aux patients, dont la soif est brûlante.