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les municipaux, après avoir perdu un grand nombre de soldats, durent se replier en bon ordre.

Le feu avait cessé depuis quelques instants, lorsqu’on entendit tirer un coup de fusil dans une rue voisine, et retentir sur le pavé le galop de plusieurs chevaux.

On vit bientôt paraître à revers de la barricade un colonel de dragons, suivi de plusieurs cavaliers, le sabre au poing, comme leur chef, et chargeant un groupe d’insurgés, qui tiraient en battant en retraite et en courant.

C’était le colonel de Plouernel ; séparé d’un escadron de son régiment par un mouvement populaire, il cherchait à s’ouvrir un passage vers le boulevard, ne s’attendant pas à trouver la rue occupée à cet endroit par l’insurrection.

Le combat, un moment suspendu, recommença. Les défenseurs de la barricade crurent d’abord que ce petit nombre de cavaliers formait l’avant-garde d’un régiment qui allait les prendre à revers et les mettre entre deux feux si la garde municipale revenait à l’assaut.

Une décharge générale accueillit les quinze ou vingt dragons commandés par le colonel de Plouernel ; quelques cavaliers tombèrent, lui-même fut atteint ; mais, cédant à son intrépidité naturelle, il enfonça ses éperons dans les flancs de son cheval, brandit son sabre et s’écria :

— Dragons ! sabrez cette canaille !…

Le bond que fit le cheval du colonel fut énorme ; il atteignit la base de la barricade ; mais là, il trébucha sur les pavés roulants et s’abattit.

M. de Plouernel, quoique blessé, et à demi engagé sous sa monture, se défendait encore avec un courage héroïque ; chacun des coups de sabre qu’il assénait de son bras de fer faisait une blessure. Il allait cependant succomber sous le nombre, lorsque, au péril de sa vie, M. Lebrenn, aidé de son fils et de Georges (quoique celui-ci fût blessé), se jeta entre le colonel et les assaillants exaspérés par la lutte,