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main, grimpait comme un chat pour atteindre la crête de la barricade.

— Veux-tu descendre, galopin ? et ne pas montrer ton nez ! — lui dit le chiffonnier en le tirant par une jambe. — Tu vas te faire poivrer.

— Ayez donc pas peur, père Bribri, — répondit Flamèche en gigottant et parvenant à se débarrasser de l’étreinte du vieillard. — C’est gratis… Je veux me payer une première de face… et bien voir…

Et se dressant à mi-corps au-dessus de la barricade, Flamèche tira la langue à la garde municipale, qui s’avançait toujours.

M. Lebrenn, se retournant, dit aux combattants qui l’entouraient :

— Ces soldats sont des frères, après tout ; tâchons une dernière fois d’éviter l’effusion du sang.

— Vous avez raison… Essayez toujours, monsieur Lebrenn, — dit le forgeron aux bras nus, en frappant avec l’ongle sur la pierre de son fusil ; — mais ce sera peine perdue… Vous allez voir…

Le marchand monta jusqu’au faîte des pavés amoncelés ; là, appuyé d’une main sur son fusil, et de l’autre main agitant son mouchoir, il fit signe aux soldats qu’il voulait parlementer.

Les tambours de la troupe cessèrent de battre la charge, et firent un roulement, que suivit un grand silence.

À l’une des fenêtres du premier étage de la maison du marchand, sa femme, sa fille, à demi cachées par la jalousie, qu’elles soulevaient un peu, se tenaient côte à côte, pâles, mais calmes et résolues. Elles ne quittaient pas des yeux M. Lebrenn, parlant alors aux soldats, et son fils, qui, son fusil à la main, avait bientôt gravi la barricade, afin de pouvoir, au besoin, couvrir son père de son corps. Georges Duchêne allait les rejoindre, lorsqu’il se sentit vivement tiré par sa blouse.

Il se retourna et vit Pradeline, les joues animées et toute haletante d’une course précipitée.