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peur… J’ai pas besoin de voler ; je vous aide, vous et les autres négociants en vieilles loques, à décharger vos mannequins et à trayer vos épluchures ; je me paye les meilleures, que ces aristos de chiens ont laissées… je fais mon trou dans vos tas de chiffons, et j’y dors comme un Philippe… Ayez donc pas peur, père Bribri ! j’ai pas besoin de voler… Moi, si je m’insurge, non d’un nom ! c’est que cela m’embête à la fin… de ne pouvoir pas pêcher de poissons rouges dans le grand bassin des Tuileries… Et j’en veux pêcher à mort, si nous sommes vainqueurs… Chacun son idée… Vive la réforme !… À bas Louis-Philippe !…

Puis, s’adressant au voleur, qui, voyant revenir les cinq ou six ouvriers armés, faisait un mouvement pour s’échapper :

— Bougez pas, mossieu ! ou je lâche Azor.

Et il appuya de nouveau son doigt sur la détente du pistolet.

— Mais qu’est ce que vous voulez donc faire de moi ? — s’écria le voleur en blêmissant à la vue des trois ouvriers qui apprêtaient leurs armes, tandis qu’un autre, sortant de chez l’épicier où il était entré, apportait un écriteau sur papier gris, fraîchement tracé, au moyen d’un pinceau trempé dans du cirage.

Un sinistre pressentiment agita le voleur, il s’écria en se débattant :

— Vous dites que j’ai volé ?… Alors, conduisez-moi chez le commissaire…

— Pas moyen… le commissaire marie sa fille, — dit le père Bribri. — Il est à la noce.

— Il a mal aux quenottes, — ajouta Flamèche ; — il est chez le dentiste.

— Amenez le voleur près du bec de gaz, — dit une voix.

— Je vous dis que je veux aller chez le commissaire ! — répéta ce misérable en se débattant, et il se mit à hurler :

— Au secours !… au secours !