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— Oui, père Bribri ; deux billes, trois clous et un osselet… J’ai fourré dedans tout mon saint frusquin.

— Ça suffit pour régaler mossieu, s’il bouge… Attention, Flamèche ! le doigt sur la détente… et le canon dans le gilet de mossieu

— Ça y est, père Bribri.

Et Flamèche introduisit délicatement le canon de son pistolet entre la chemise et la peau du voleur. Le voleur, voulant regimber, Flamèche ajouta :

— Gigottez pas… gigottez pas… vous ferez partir Azor.

— Flamèche veut dire le chien de son pistolet, — ajouta le père Bribri, en manière de traduction.

— Mais, farceurs que vous êtes ! — s’écria le voleur en ne bougeant plus, mais commençant de trembler, quoiqu’il tâchât de rire, — qu’est-ce que vous voulez donc me faire ? Voyons, ça finira-t-il ? Assez blagué comme ça…

— Minute, cadet ! reprit le chiffonnier. — Causons un brin… Tu m’as demandé pourquoi nous nous insurgions… Je vas te le dire, moi… D’abord, ça n’est pas pour crever des comptoirs et piller les boutiques… Merci !… La boutique est au marchand, comme mon mannequin est à moi… Chacun son négoce et ses objets… Nous nous insurgeons, mon cadet, parce que ça nous embête de voir les vieux comme moi crever de faim au coin des bornes, comme de vieux chiens perdus, quand les forces nous manquent… Nous nous insurgeons, mon cadet, parce que ça nous embête de nous dire que sur cent pauvres filles qui raccrochent le soir sur les trottoirs, il y en a quatre-vingt-quinze que la misère a réduites là… Nous nous insurgeons, mon cadet, parce que ça nous embête de voir des milliers de voyous comme Flamèche, enfants du pavé de Paris, sans feu ni lieu, sans père ni mère, abandonnés à la grâce du diable, et exposés à devenir un jour ou l’autre, faute d’un morceau de pain, des voleurs et des assassins comme toi, mon cadet !…

— Ayez pas peur, père Bribri, — reprit Flamèche. — Ayez pas