Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chiffonnier. — Tu as volé et voulu assassiner au nom du peuple, toi, hein ?

— Ah ça, voyons, les amis, sommes-nous, oui ou non, en révolution ? — répondit le voleur d’une voix enrouée en riant d’un air cynique. — Alors, crevons les comptoirs !!!

— C’est ça que tu appelles la révolution, toi ? — dit le chiffonnier. — Crever les comptoirs ?…

— Tiens…

— Tu crois donc que le peuple s’insurge pour voler… brigand que tu es ?…

— Pourquoi donc alors que vous vous insurgez, tas de feignants ? C’est peut-être pour l’honneur ? — répondit le voleur avec audace.

Le groupe d’hommes armés (moins le chiffonnier) qui entouraient le voleur se consultèrent un moment à voix basse. L’un d’eux, avisant une boutique d’épicier à demi ouverte, s’y rendit ; deux autres se détachèrent du groupe en disant :

— Il faut en parler à monsieur Lebrenn et lui demander son avis.

Un autre enfin dit quelques mots à l’oreille du chiffonnier, qui répondit :

— J’en suis… C’est juste… Faudrait ça pour l’exemple… Mais, en attendant, envoyez-moi Flamèche pour m’aider à garder ce mauvais Parisien-là.

— Eh ! Flamèche ! — dit une voix, — viens aider le père Bribri à garder le voleur !

Flamèche accourut. C’était le type du gamin de Paris : hâve, frêle, étiolé par la misère, cet enfant, d’une figure intelligente et hardie, avait seize ans ; il n’en paraissait pas douze. Il portait un mauvais pantalon garance troué, des savates, un bourgeron bleu presque en lambeaux, et était armé d’un pistolet d’arçon. Il arriva en gambadant.

— Flamèche ! — dit le chiffonnier, — ton pistolet est-il chargé ?