Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

frères !… Que leur sang retombe sur cette royauté maudite ! que ce sang l’étouffe à jamais !… Assez de rois !… assez de tueurs de peuple !… Aux barricades !… aux armes !… Vive la république !…

Et le marchand, ainsi que son fils, soulevèrent les premiers pavés. Ces paroles, cet exemple, furent électriques, et des cris mille fois répétés répondirent :

— Aux armes !… Aux barricades !… À bas les rois !… À bas les tueurs de peuple !… Vive la république !…

En un instant le peuple eut envahi les maisons voisines, demandant partout des armes, et des leviers pour dépaver la rue. La première tranchée ouverte, ceux qui ne possédaient ni barres de fer ou de bois, arrachaient les pavés avec leurs mains et leurs ongles.

M. Lebrenn et son fils travaillaient avec ardeur à élever une barricade à quelques pas de leur porte, lorsqu’ils furent rejoints par Georges Duchêne, l’ouvrier menuisier, accompagné d’une vingtaine d’hommes armés, composant une demi-section de la société secrète à laquelle ils étaient affiliés, ainsi que le marchand.

Parmi ces nouveaux combattants se trouvaient les deux voituriers d’armes et munitions apportées à la boutique dans la journée : l’un était un homme de lettres distingué, l’autre un savant éminent, et Dupont, le mécanicien.

Georges Duchêne s’approcha de M. Lebrenn au moment où celui-ci, cessant un instant de travailler à la barricade, distribuait, à la porte de son magasin, les armes et les munitions à des hommes du quartier sur lesquels il pouvait compter ; tandis que Gildas, dont la poltronnerie s’était changée en héroïsme depuis l’apparition de la sinistre charretée de cadavres, revenait de la cave avec plusieurs paniers de vin, qu’il versait aux travailleurs de la barricade pour les réconforter.

Georges, vêtu de sa blouse, portait une carabine à la main et des cartouches dans un mouchoir serré autour de ses reins. Il dit au marchand :