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ne se jamais quitter que passagèrement pendant l’éternité !… Quels voyages variés, infinis, à faire ensemble… Ah ! quand on songe à cela, ma mère, l’esprit s’égare dans l’impatience de voir et de savoir !

— Allons, allons, curieuse ! pas tant d’impatience, — répondit madame Lebrenn en souriant, et avec un accent d’affectueux reproche. — Tu sais, quand tu étais petite ? je te grondais toujours, lorsque dans ta leçon de dessin tu songeais moins au modèle que tu copiais qu’à celui que tu copierais ensuite… Eh bien, chère enfant ! que ta curiosité, si naturelle d’ailleurs, de savoir ce qu’il y a de l’autre côté du rideau, comme dit ton père, ne te distraye pas trop de ce qu’il y a de ce côté-ci…

— Oh ! sois tranquille, ma mère ! — répondit la jeune fille avec effusion. — De ce côté-ci du rideau, il y a toi, il y a mon père, mon frère ; c’est assez pour m’occuper sans distraction…

— Et voilà comme le temps passe à philosopher ! — dit en riant M. Lebrenn. — Jeanike va venir nous avertir pour le dîner, et je ne vous aurai rien dit de ce que je voulais vous dire… Dans le cas où ma curiosité serait satisfaite avant la vôtre… ma chère Hénory ! — ajouta-t-il en s’adressant à sa femme et lui montrant un secrétaire, — tu trouveras là mes dernières volontés… Tu les connais, car nous n’avons qu’un cœur… Ceci, — reprit le marchand en tirant de sa poche un pli fermé, mais non cacheté, — concerne notre chère fille, et tu le lui remettras après l’avoir lu.

Velléda rougit légèrement en songeant qu’il s’agissait sans doute de son mariage.

— Quant à toi, mon enfant, — dit le marchand en s’adressant à son fils, — prends cette clef… — et il la détacha de la chaîne de sa montre. — C’est la clef de la chambre aux volets fermés, dans laquelle ta mère et moi sommes seuls entrés jusqu’ici… Le 11 septembre de l’année prochaine, tu auras vingt-et-un ans accomplis ; ce jour, mais pas avant, tu ouvriras cette porte… Entre autres objets,