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ÉPILOGUE

La scène se passe dans le boudoir de la baronne de Hansfeld. Elle est assise sur le divan, à côté de San-Privato. Celui-ci tient à la main un journal dont il termine ainsi la lecture :

« Telle a été la fin tragique de madame San-Privato, à peine âgée, dit-on, de vingt-trois ans, et que l’on a vue, il y a quelques années, l’une des reines du monde élégant. On attribue le double suicide que nous avons raconté à un désespoir amoureux et aux poursuites criminelles exercées contre M. Maurice Dumirail, prévenu de faux et d’homicide. »

San-Privato dépose le journal sur une table placée près de lui, et reste un moment pensif.

— Étrange fatalité ! quelle coïncidence entre cette mort et mes projets ! Allons, si sceptique que je sois, il me faut cependant croire à la bénigne influence de mon étoile…

Madame de Hansfled. — Oui, enfin, te voilà libre ; le suicide de cette malheureuse vient merveilleusement à point : tu pourras épouser la riche héritière.

San-Privato, souriant. — Hier encore, je maudissais ma destinée… ö ingratitude ! la Providence me réservait la plus douce surprise !

Madame de Hansfled. Ainsi le dernier anneau de ta chaîne est brisé, lourde chaîne dont les meurtrissures t’ont été si longtemps douloureuses !

San-Privato. — Plus douloureuses que tu ne peux le supposer, Antoinette ; tu ne sais pas de quelle torture la mort de Jeane me délivre !

Madame de Hansfled — Ah ! ton nom n’a été que trop longtemps couvert d’opprobre et de ridicule !

San-Privato. — Ce n’est pas tout.

Madame de Hansfled. — Comment ?

San-Privato. — Je l’aimais toujours !

Madame de Hansfled. — Jeane ?… Qu’entends-je !

San-Privato. — Je l’aimais avec fureur, avec désespoir. Elle