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dain, de cruauté, d’abject sensualisme, d’inconstance avec les hommes, et, dans cette lutte, doña Juana triomphait. Mais revenons au prince… D’abord stupéfait, puis ravi de mon aveu, à son tour, il m’avoua que mon premier regard l’avait ému, bouleversé ; il me trouvait, disait-il, adorablement belle, et, de plus, l’aventure lui semblait originale. Quoique fort jeune encore, il était déjà quelque peu blasé, moins de la facilité de ses succès que de leur monotonie. Or, je lui déclarai que, mariée depuis la veille, je me regardais comme veuve, ayant mon mari en aversion. Cet audacieux tête-à-tête, où nous échangions nos aveux, ayant pour témoin la foule ébahie et curieuse qui, de loin, nous regardait, nous inspira mille folles saillies ; j’étais fort gaie, et, comme on dit, très en esprit ce soir-là. Je voulais séduire le prince par tous les sens, j’y réussis. Je fus tour à tour tendre, passionnée, piquante, pleine de verve. Il me jura que j’étais le plus malin, le plus charmant démon qui eût jamais mis le diable au corps d’un galant homme. Ce qui donnait surtout à notre situation un attrait singulier, c’est qu’autant nos paroles étaient parfois joyeuses ou passionnées, autant notre physionomie apparente était grave, parce qu’il nous fallait dérouter les suppositions de la foule qui nous observait. Je fis remarquer au prince que, quoiqu’il m’en coûtât, notre conversation ne pouvait se prolonger davantage. Nous convînmes, lui et moi, d’un rendez-vous pour le lendemain. Je voulus d’abord faire acte d’autorité. J’exigeai qu’après avoir dansé une contredanse avec moi, la seule qu’il danserait ce soir-là, il quittât aussitôt l’ambassade sans adresser un mot à la duchesse de Hauterive, de qui j’affectai de me montrer fort jalouse. Le prince m’accorda tout ce que je lui demandai. Je l’avais, assurait-il, ensorcelé. Nous sortîmes du salon : il me dit tout haut, de façon à être entendu des curieux, et afin de les tromper sur la nature de notre entretien, tout en y faisant une amoureuse allusion seulement comprise de nous deux : « Soyez-en persuadée, madame, je m’occuperai de votre demande avec le plus vif intérêt ; son urgence m’est maintenant expliquée, il ne dépendra pas de moi que tous vos désirs ne soient satisfaits. — Vous me comblez, monseigneur, lui dis-je avec un regard significatif ; les termes manquent à ma gratitude, je suis réduite à vous l’exprimer, monseigneur, par cette banalité : que votre généreuse action trouvera en elle-même sa récompense… » À ce moment, l’orchestre préludait à une contredanse. La duchesse de Hauterive ne nous quittait pas des yeux : elle s’approche du prince, et, cachant à peine son dépit jaloux, lui dit d’une voix légèrement altérée : « Votre Altesse