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— Parfaitement ; mais comment établir mon identité pour cela ?… Faut-il un acte, des pièces, un jugement ?

— Pour vous mettre en possession d’état, comme nous disons ; en d’autres termes, pour avoir la disposition de l’usufruit des biens de votre femme ?

— Oui…

— Il n’est besoin d’aucun jugement, d’aucun acte pour cela, vous dites purement et simplement : « Je suis M. d’Otremont, » et, en vertu de votre qualité de conjoint, vous usez de vos droits. Ça n’est pas plus malin que cela.

— Bravo ! c’est à merveille !…

— Ah çà ! mon cher client, me sera-t-il permis, indiscrétion à part, de vous demander à quoi peuvent vous servir ces renseignements ? Vous êtes, grâce à Dieu, célibataire !

La porte du couloir s’ouvrit de nouveau, le clerc rentra tenant une lettre à la main, et, s’adressant à M. d’Otremont :

— Monsieur, votre cabriolet vous attend, et votre domestique, qui vient de l’amener, a chargé le concierge de monter cette lettre, que l’on a apportée chez vous tout à l’heure. Il paraît qu’elle est très-urgente et très-importante.

— Je vous remercie, monsieur, — dit Richard prenant la lettre.

Et, avant de la décacheter, s’adressant courtoisement au notaire :

— Vous permettez ?…

— Parbleu ! mon cher client.

Pendant que M. d’Otremont lit, avec l’expression d’une extrême surprise, la lettre que l’on vient de lui remettre, M. Thibaut dit à son clerc :

— Cet enragé Dumirail est-il toujours dans l’étude ?

— Oui, monsieur ; il a prié tout à l’heure le petit clerc d’aller lui chercher, au café voisin, un carafon d’eau-de-vie, et il l’a bu rubis sur l’ongle.

— Eh bien, le drôle va être dans un joli état.

— Non, monsieur, au contraire, ça l’a calmé ; maintenant, il ne bouge ni ne dit mot.

Tandis que le notaire est son clerc échangent les paroles précédentes, M. d’Otremont a lu la lettre qu’il tient. Elle est ainsi conçue :

« J’arrive d’un long voyage. Me sera-t-il permis, mon cher Richard, d’invoquer le souvenir de cette bonne et cordiale amitié dont vous m’avez donné une preuve que je n’oublierai jamais…