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— Grand Dieu !… mon père !… les habits de deuil de Josette, ses paroles, ses larmes… — balbutia Maurice, pâle, tremblant, éperdu ; — serait-il possible, un pareil malheur !… Quoi !… ma mère ?…

— Mon enfant, je n’ai plus que toi… il ne me reste que toi au monde, — répond M. Dumirail.

Et, suffoqué par ses sanglots, il ouvre ses bras à son fils, qui s’y précipite en fondant en larmes.

Et le père et le fils demeurèrent longtemps embrassés.


XXIII

Maurice, apprenant d’une façon si soudaine la mort de sa mère, madame Dumirail, fut bouleversé. Il éprouva d’abord une sorte de vertige, causé par l’étonnement, par la douleur, et, il faut le dire, par la violence de ses remords en se rappelant cette sinistre prophétie de sa mère : « Mon enfant, si je devais rester à Paris, en proie à des anxiétés pareilles à celles dont j’ai tant souffert, je te l’assure, tu conduirais avant trois mois mon cercueil au cimetière. » La première émotion de Maurice plongea donc d’abord son entendement dans une sorte de chaos d’affliction et de remords ; mais, lorsqu’à ce profond ébranlement moral eut succédé peu à peu un calme relatif, lorsque enfin son esprit, complétement rassis, redevint lucide, la première pensée claire, nette, précise qui se formula dans le cerveau de Maurice, pour ainsi dire malgré lui, fut celle-ci :

— Je suis majeur, et, dès aujourd’hui, l’héritage de ma mère m’appartient.

En un pareil moment surtout, cette pensée était épouvantable… Mais elle se déduit logiquement du caractère dont nous nous occupons ; mais elle est l’une des conséquences fatales de ce parricide véniel, si souvent rêvé par ces fils de famille, poussés, habitués par leur convoitise à d’homicides espérances. Et l’on doit