serais de retour. Augustine, bientôt instruite de ces faits par mon valet de chambre, et croyant la chose urgente, est accourue m’apporter la lettre de votre oncle. Lisez-la, vous aviserez ensuite.
San-Privato prit la missive de M. Dumirail, ainsi conçue et adressée à madame de Hansfeld :
- « Madame,
« Malgré tous mes efforts, je n’ai pu découvrir la retraite de mon fils ; vous seule devez la connaître. Ayez pitié d’une famille au désespoir ! Ma femme se meurt, madame, elle se meurt ! Elle demande à embrasser son enfant avant d’expirer, ne la privez pas de cette consolation suprême ! Non, non, quelle que soit l’opinion que j’aie pu concevoir de vous, madame, vous ne repousserez pas ma prière ! elle s’adresse à un sentiment sacré pour toute créature humaine. Vous apprendrez à Maurice que sa mère est en danger de mort ; il accourra près d’elle, recevra, hélas ! ses derniers embrassements. Il n’y a pas un moment à perdre, madame, je vous en conjure, ayez pitié de nous !
L’âme des scélérats, disions-nous tout à l’heure, offre souvent des mystères étranges. Madame de Hansfeld eut à son tour, ainsi que San-Privato l’avait eue, sa faiblesse… La courtisane trouvait odieux, et surtout inutile, de priver cette mère mourante de la consolation suprême d’embrasser son enfant ; et puis, enfin, cette mort allait rendre Maurice héritier d’une fortune assez considérable, et la cupidité sordide d’Antoinette, certaine d’avance de sa proie, lui inspirait cette espèce de bienveillance à laquelle nous prédispose presque toujours un heureux événement. Aussi madame de Hansfeld dit-elle à San-Privato :
— Je vais sans doute, mon ami, vous sembler très-sotte, mais cette lettre m’émeut malgré moi.
— Vraiment ?
— Oui, et je crois qu’il n’y a aucun inconvénient à…
— À instruire Maurice de l’agonie de sa mère ?… — dit San-Privato avec un sourire d’ironie. — Décidément, ma chère, l’attendrissement trouble la lucidité ordinaire de votre esprit.
— En quoi, de grâce ?
— D’abord, cette lettre de mon oncle peut être mensongère et cacher un piége.