— Exceptionnel, peut-être ?
— Non, un exemple applicable, sauf une ou deux circonstances, à la généralité des femmes du monde qui ont eu la réputation d’être plus que galantes. J’ai connu, dans ma jeunesse, une certaine madame de Sauval, jeune, belle à éblouir, fort riche, d’une grande naissance, assez spirituelle et douée de quelques qualités généreuses ; mariée à dix-sept ans à un homme qu’elle adorait, il la délaisse indignement après six mois de mariage et quitte la France, emmenant avec lui une femme perdue. Madame de Sauval longtemps regretta son mari ; puis, elle aussi, se crut déliée de sa foi par l’abandon ; jeune, belle, riche, maîtresse d’elle-même, elle chercha, dans une première liaison, l’oubli de ses chagrins ; à cette liaison en succéda une seconde, puis une autre… Que dire, enfin ? Elle aussi, sans y songer, cette jeune femme réalisa le type imaginaire de doña Juana, du moins par ses nombreuses amours, ne cherchant, d’ailleurs, dans ce désordre, ni la vengeance, ni les détestables jouissances d’une coquetterie féroce ! Non, elle cédait uniquement à l’attrait effréné du plaisir, conservant même, au milieu de ses égarements, certaines vaillantes qualités du cœur ; cependant, elle vit se faire peu à peu autour d’elle un vide glacial ; dans les salons où on la tolérait encore, les femmes l’accablaient d’impertinences calculées, ne répondaient pas à ses saluts ou affectaient de s’éloigner outrageusement d’elle lorsqu’elle venait s’asseoir à leurs côtés.
— Faut-il s’en étonner ? elles enviaient sa jeunesse, sa beauté, ses succès ; mais, certes, les hommes la vengeaient par leurs assiduités empressées.
— Les hommes ?… Ah ! pauvre enfant, que tu connais peu leur égoïsme, leur ingratitude, leur lâcheté.
— Que veux-tu dire ?
— Non-seulement ils profitent des désordres d’une femme, mais ces désordres, ils les provoquent par des conseils pervers, par des protestations aussi passionnées que mensongères ; la femme, de faiblesse en faiblesse, tombe-t-elle dans une déconsidération profonde, qu’arrive-t-il ? Ceux-là mêmes qui l’ont perdue, les complices, les instigateurs de ses fautes, sont les premiers à se tourner contre elle, à la méconnaître, à la fuir, à la renier, à l’accabler de railleries et d’insolences, de concert avec d’autres femmes qui, plus réservées, plus adroites ou plus hypocrites, ont conservé leur réputation à peu près intacte. Non, pas un de ces hommes n’ose défendre cette malheureuse femme, dont l’unique tort a été de céder à leurs vœux. Ah ! cela est horrible à dire ! mais il n’est