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Geneviève, s’interrompant, reprit :

— Tout ça, c’est des mots en l’air, ça n’avance à rien… Songeons au plus pressé ; cette lettre de laquelle tout va dépendre, comme tu le dis, il va falloir la porter chez ta fille.

— J’ai pour cela compté sur toi, nourrice.

— Pardi ! tu en aurais chargé une autre que moi, peut-être ! Ah çà ! quand faudra-t-il la porter, cette lettre ?

— Ce matin, et tout de suite, si tu le peux.

— Bon ! — dit Geneviève recevant la lettre des mains de Charles Delmare.

Et elle ajouta, en la glissant dans sa poche :

— Je pars ; tu n’as pas d’autres commissions ?

— Non. Mais je songe qu’il faut remettre la lettre entre les mains de Jeane elle-même.

— Ce sera fait.

— San-Privato doit être sur ses gardes.

— Sois tranquille, mon fieu… À bon chat, bon rat.

— J’ai pensé que ce misérable serait probablement, à cette heure, parti pour son ambassade.

— Ah çà ! il faut tout prévoir : si je ne peux pas parvenir jusqu’à Jeane ? si on me refuse de me laisser lui parler ?

Dans ce cas, tu rapporteras la lettre ; j’aviserai à un autre moyen de la faire parvenir sûrement à ma fille.

— Si je peux la voir, faudra-t-il que je lui demande la réponse, et que je l’attende ?

— C’est inutile : ma lettre est très-longue, Jeane voudra sans doute la lire avec réflexion ; tu la prieras seulement d’envoyer ici sa réponse, quelle qu’elle soit.

— Bien ! tu lui donnes donc l’adresse de cette maison ?

— Oui. Adieu, bonne nourrice ; va, et reviens tôt. Dieu sait quelles vont être mes angoisses en attendant ton retour.

— Je ne tarderai pas longtemps, car je vais à coup sûr retrouver mes jambes de quinze ans. Au revoir, et courage, mon Charles ; je te rapporterai de bonnes nouvelles.

— Que Dieu t’entende, nourrice ! — répondit Charles Delmare. Et il retomba dans de pénibles réflexions, pendant que Geneviève se hâtait de se rendre chez madame San-Privato.