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fiance absolue en la solidité des principes où vous aviez été élevé par nous, je vous croyais incapable de faillir. Cette espérance a été déçue, malheureusement déçue… Instruit par l’expérience, je suis maintenant résolu, invinciblement résolu d’accomplir mon devoir de père en vous arrachant à une perte certaine, alors qu’il en est temps encore… Vous entendez, Maurice ?…

— Oui, mon père ; mais…

— En d’autres termes, demain, votre mère, moi et vous, nous quittons Paris, afin de retourner au Morillon.

— Permettez, mon père…

— Quant à votre prétendue vocation diplomatique, vous me ferez la grâce, une fois pour toutes, de n’en plus dire un mot, sinon je regarderais votre insistance, à ce sujet, comme une plaisanterie de la dernière inconvenance envers votre mère et envers moi.

— S’il en est ainsi, mon père…, — reprit à son tour Maurice avec l’expression d’une inflexible volonté, — s’il m’est interdit de vous exposer les raisons qui me font désirer de rester à Paris, je suis forcé de me borner à vous déclarer purement et simplement que je ne retournerai pas au Morillon.

— Vous y retournerez, cependant… dès demain…

— Je vous demande pardon, mon père, je resterai à Paris.

— Mon fils, vous quitterez Paris dès demain, c’est moi qui vous l’affirme.

— Non, mon père, non, cent fois non ! Je ne suis plus un enfant, je suis maître de mes actions.

— Vous osez entrer en révolte ouverte contre moi ?

— Mon ami, ne t’emporte pas ! — dit vivement madame Dumirail.

Puis, s’adressant à son fils :

— Mon enfant, après tout ce qui s’est passé ces jours-ci, peux-tu t’obstiner à rester à Paris !

— Eh ! ma mère, il ne fallait pas me faire quitter nos montagnes ! Je m’y plaisais, faute de points de comparaison ; mais, à cette heure que j’ai goûté de la vie de Paris, le séjour de la campagne me serait insupportable.

— Quoi ! mon enfant, ce séjour, nous le partagerions avec toi et il te serait insupportable ?

— Mon Dieu, ma mère, je suis arrivé à un âge où l’affection de nos parents n’est pas tout dans la vie ! Et, d’ailleurs, si tu tiens à ne pas te séparer de moi, que ne continues-tu d’habiter Paris, ainsi que mon père ? N’était-ce pas là votre premier projet ? Est-ce