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a, comme je le crains, brisé tous les ressorts généreux de l’âme de ma fille ! Elle ne vivra peut-être que pour le mal, elle qui n’aurait vécu que pour le bien !… Ah ! si le ciel vengeur châtie mon adultère jusque dans mon enfant, — ajouta Charles Delmare en se tournant vers M. et madame Dumirail, — vous qui avez indignement abandonné l’orpheline confiée à vos soins, vous serez châtiés dans votre fils !

Charles Delmare sortit précipitamment, laissant Maurice, son père et sa mère accablés sous le poids des imprécations prophétiques qu’ils venaient d’entendre.


XIII

M. et madame Dumirail, encore frémissants des sinistres prédictions dont leur ancien ami venait de les menacer, se regardaient avec un muet accablement.

Maurice se remémorait ces étranges paroles de Charles Delmare, selon lesquelles, lui, Maurice, était dupe d’une courtisane qui l’avait bafoué en attendant l’heure de le faire égorger. En cherchant à pénétrer le sens mystérieux de ces paroles, il se rappelait aussi que Charles Delmare affirmait l’avoir sauvé le jour même d’un péril de mort. Cette affirmation l’étonna d’abord, en cela qu’il lui revint à la pensée que M. d’Otremont, l’ayant pour la seconde fois désarmé, lui dit avec une parfaite courtoisie en lui tendant la main :

— Nous avons à nous reprocher des torts réciproques. L’animation d’un souper diminue de beaucoup la gravité de ces torts. Si vous regrettez votre vivacité, je regretterai la mienne.

Cette loyale proposition, acceptée par les témoins des deux adversaires, avait mis fin au combat ; mais Maurice se souvint qu’alors Charles Delmare avait échangé avec M. d’Otremont quelques paroles témoignant d’une ancienne et étroite intimité ; aussi, en rapprochant ces divers incidents et en songeant surtout qu’il avait provoqué M. d’Otremont, pour ainsi dire, à l’instigation