mont, aveuglé par ce qu’il considérait comme l’impérieuse nécessité du point d’honneur, n’osait, ne pouvait hautement reconnaître avoir été, à son insu, l’instrument de San-Privato et de madame de Hansfeld, et révéler les propositions homicides de celle-ci, car à la suite d’un tel aveu, et sous peine d’apparente complicité dans cette exécrable machination, M. d’Otremont devait renoncer à ce duel, ce à quoi il ne voulait à aucun prix consentir, ensuite d’une offense publique ; aussi, après avoir paru réfléchir à la révélation de son ami, il reprit, en tâchant de dissimuler son embarras :
— J’ai docilement suivi votre sage conseil, mon cher Delmare, et, au lieu de m’irriter d’une accusation encore plus absurde qu’elle n’est odieuse, et à laquelle vous, moins que personne, vous pouviez ajouter foi, j’ai pesé, j’ai examiné les faits.
— Et vous partagez mes convictions ?
— Tant s’en faut.
— Que dites-vous ?… Comment, mon cher Richard, cette affreuse trame… ?
— N’existe, je le crains, ou plutôt, je l’espère, que dans votre imagination.
— Oubliez-vous donc tant de faits à l’appui de… ?
— Permettez ; ce tissu de noirceurs, cet échafaudage de scélératesses repose uniquement, absolument sur cette présomption, que San-Privato est en secret l’amant de madame de Hansfeld…
— Certes.
— Elle le nie.
— Vous croyez vous-même le fait vrai, mon cher Richard.
— Pardon ; ç’a été de ma part un soupçon, jamais une certitude.
— Vos soupçons étaient fondés, je l’affirme !
— C’est votre conviction, mais non la mienne.
Charles Delmare, aussi surpris que chagrin de l’opiniâtreté de son ami, reprit d’une voix pressante :
— Enfin, admettez-vous, Richard, que cette abominable machination, si elle n’est matériellement démontrée, soit du moins possible en raison des faits que je vous ai racontés ?
— Oui, elle est possible, si ces faits sont vrais.
— Admettez-vous qu’il y ait des chances… une seule si vous voulez… pour que ces faits soient vrais ?
— J’admets cela.
— Et vous la braveriez, cette chance, vous, Richard, l’honorabilité même ? vous persisteriez à vouloir vous battre avec Maurice ?