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— Eh bien ! madame de Hansfeld est une des plus jolies femmes de Paris.

— Je ne l’ignorais pas ; mais elle n’est pas, ainsi que l’on dit, une femme du monde. Ce nom, ce titre, sont d’emprunt.

— Pas du tout, elle est bien et dûment baronne de Hansfeld, par la grâce d’un prince souverain d’Allemagne, qui l’a baronnifiée, et, de plus, fort enrichie…

— J’entends, c’est une femme entretenue. Vous la connaissez ?

— Beaucoup. Elle est maintenant la maîtresse de l’ambassadeur de Naples, et…

— Que dites-vous ? — s’écria Charles Delmare frappé d’une idée subite. — Cette femme… est la maîtresse… ?

— Du prince de Castel-Nuovo, ambassadeur de Naples, actuellement absent de Paris.

— Plus de doute ! — reprit Charles Delmare de plus en plus sous l’obsession de sa pensée ; — San-Privato doit être l’amant de cette femme.

— Quoi ! vous connaissez San-Privato ?

— Oui ; mais, de grâce, répondez : n’est-il pas l’amant de cette femme ?

— Entre nous, je l’ai cru, je le crois parfois encore : j’ai maintes fois interrogé madame de Hansfeld à ce sujet ; elle a toujours nié que San-Privato fût son amant, objectant qu’il ne met jamais les pieds chez elle, où, en effet, je ne l’ai jamais rencontré, quoique mes visites aient été fréquentes et…

— Ah ! vous avez fait de fréquentes visites à madame de Hansfeld ; leur but n’est guère douteux, lorsqu’il s’agit d’une femme entretenue, — reprit Charles Delmare.

Puis, réfléchissant et jetant un regard fixe et pénétrant sur M. d’Otremont, il ajouta :

— Mon cher Richard, n’attribuez pas ma question à une indiscrète ou vaine curiosité ; cette question est, pour moi et pour vous-même, de la plus haute gravité.

— De grâce, de quoi s’agit-il ?

— Madame de Hansfeld est de ces femmes que l’on ne peut compromettre ; je n’hésite donc nullement à vous demander si elle a été votre maîtresse.

— Non.

— Lui avez-vous fait la cour ?…

Charles Delmare, remarquant un léger mouvement d’impatience de M. d’Otremont, ajouta :

— Je vous donne ma parole de galant homme, mon cher Ri-