vrèrent le cœur de madame Dumirail, lui arrachèrent des larmes, mais exaspérèrent la fureur de son mari, à ce point que, s’élançant vers son fils, la main levée, il s’écria :
— Infâme !
— Ne me touchez pas, au moins, ou sinon !… — s’écria Maurice à son tour d’un air farouche.
Et, se redressant, il répondit par un geste de défi au geste menaçant de son père, qui, hors de lui, allait le châtier, lorsque madame Dumirail, jetant un cri d’épouvante et cherchant à prévenir une lutte horrible, se précipita entre son mari et son fils au moment où celui-ci, afin de repousser l’agression de M. Dumirail, tendait brusquement devant lui ses bras d’athlète ; il atteignit ainsi, sans le vouloir, mais si rudement sa mère, que, du choc, elle tomba sur le parquet, et, dans cette chute, sa tête ayant heurté l’un des angles du buffet renversé par Maurice, elle se fit au front une blessure assez large pour qu’à l’instant son sang jaillit abondamment.
La vue de ce sang frappa Maurice de terreur ; cette commotion soudaine, effrayante, le dégrisa : il eut la conscience de l’acte odieux qu’il venait de commettre involontairement, et dont les dernières excitations de l’ivresse lui exagérèrent bientôt les conséquences. Aussi, après un instant de stupeur, il pousse un cri déchirant, se jette éperdu sur le plancher, près de sa mère ensanglantée, que Josette et M. Dumirail, agenouillés, s’empressaient de relever ; puis, presque en délire, il s’écrie d’une voix déchirante :
— Assassin ! j’ai voulu hériter de mes parents… j’ai tué ma mère… son sang coule… Je suis couvert du sang de mère !… Assassin !… assassin !…
Mais bientôt, en proie à une violente crise nerveuse, le malheureux perdit complétement connaissance, et son père se hâta de lui donner les premiers soins, tandis que Josette étanchait en pleurant le sang qui coulait de la blessure de madame Dumirail, trop affaiblie pour secourir son fils, mais jouissant de toute la lucidité de son esprit et ressentant les terribles angoisses que devait lui causer le spectacle de son fils évanoui.