— Malgré cette touchante déclaration par laquelle vous répondez à une impertinence, cet infortuné M. d’Otremont ne paraît nullement vous agréer pour son Pylade, mon cher, — dit madame de Hansfeld. — Il vous lance des regards furieux ; je gage qu’il est jaloux de vous.
— Jaloux de moi ! — reprit Maurice en ricanant avec suffisance.
Puis il ajouta, feignant la modestie :
— Mais pourquoi cette jalousie ?
— Parce qu’il me faisait, depuis deux mois, une cour enragée, ce bon M. d’Otremont, répondit madame de Hansfeld en riant aux éclats, et je me suis permis de me moquer outrageusement de lui.
— Ma chère, — répondit Richard d’un ton de familiarité méprisante, — vous vous vantez…
— En quoi cela ?
— En prétendant que je vous ai fait la cour.
— Vous le niez ?
— Formellement.
— C’est piquant !
— Allons donc, ma chère ! vous savez de reste que l’on ne fait la cour qu’aux femmes d’un certain monde. La science et l’expérience ne peuvent vous manquer, puisque vous commencez les éducations, — ajouta Richard en désignant Maurice du regard ; — c’est commencer un peu tard… ou… un peu tôt… mais…
— Monsieur d’Otremont, vous êtes un manant ! — s’écria madame de Hansfeld se levant brusquement.
Et, affectant d’être suffoquée par l’émotion, elle ajouta d’une voix altérée et cachant sa figure dans un mouchoir :
— Vous l’avez entendu, Maurice ! quelle lâcheté ! insulter une femme sans défenseur !
— Et moi, donc !… ne suis-je pas ici votre défenseur ? — s’écria le jeune montagnard, trop novice pour comprendre la signification de ce reproche adressé à Antoinette, qu’elle faisait des éducations.
Mais Maurice, croyant madame de Hansfeld grossièrement insultée puisqu’elle se plaignait de l’être, et de plus en plus exalté par son ivresse croissante et par la colère, redressa sa taille athlétique de toute sa hauteur et s’écria :
— Monsieur d’Otremont, les lâches seuls sont capables d’insulter une femme !
— Messieurs, messieurs, il y a ici un malentendu ! — dirent les convives en s’interposant. — Chère madame de Hansfeld, calmez-vous !