méditations philosophiques, — reprit madame de Hansfeld, qui ne voulait pas encore pousser à bout Richard d’Otremont.
Un des convives, pressentant, à la pâleur et à la contraction des traits de l’amphitryon, qu’un orage allait ou pouvait éclater, tâcha de changer le cours de l’entretien en disant :
— On me citait hier, messieurs, un mot charmant de Duhamel.
— Voyons le mot !
— Vous connaissez la sordide avarice de son père ?
— Elle est proverbiale.
— Un soir de l’hiver passé, par un froid atroce, Duhamel, encapé jusqu’aux oreilles dans une pelisse fourrée, rencontra son père, aussi légèrement vêtu que de coutume, à savoir, d’une vieille petite redingote râpée. Ce bonhomme, jetant un regard narquois sur les fourrures de son fils, lui dit : « Quelle mollesse !… ne pouvoir, à votre âge, braver le froid ! tandis que, moi, je l’affronte intrépidement… Mais aussi, j’ai une santé de fer, ajouta le bonhomme se frappant la poitrine, — j’ai un coffre à vivre cent ans, moi ! — Vous ne savez jamais que me dire des choses désagréables !… » répond d’un ton piteux Duhamel à cette menace de longévité paternelle.
— Bravo ! bravo ! — reprirent les convives en riant ; — le mot est ravissant !
— Moi, messieurs, je préfère le mot du marquis de Stopfort, fils aîné du duc de Middlesex ; il attendait impatiemment de lui son énorme héritage. L’un des amis du marquis l’aborde un jour et lui dit : « J’arrive de France ; je n’avais pas vu votre père depuis longtemps, je l’ai rencontré hier, en voiture, à Hyde-Park ; il m’a paru si changé, si souffrant, si maladif, que l’on doit concevoir les craintes les plus sérieuses sur sa santé… — Flatteur ! » répondit le marquis à son ami.
Une explosion générale d’hilarité, à laquelle Maurice prit largement part, accueillit ce lazzi féroce, cette plaisanterie parricide, et l’un des convives reprit :
— À propos de Stopford, vous savez, messieurs, que le premier hunts-man[1] de notre équipage projeté sort de chez le marquis ?
— Il aura été là à une excellente école. Il faudra que M. Dumirail soit de nos chasses par souscription. Nous montons, à Versailles, un équipage anglais par souscription, nous aurons cinquante stag-hounds[2] de première vitesse.