— J’ai vu l’hôtel, c’est une merveille d’élégance. J’assistai à la fête d’inauguration donnée par l’idole du lieu. Les plus jolies femmes des petits théâtres y assistaient. C’était on ne peut plus décolleté. Il y a eu ensuite un petit souper réservé entre intimes, et tout ce que je peux dire, en présence de madame de Hansfeld, c’est que, si le bal a été décolleté, la fin du souper a été…
— Il suffit, dit vivement madame de Hansfeld ; mais laissons là, de grâce, ces scandales de bas lieu ; parlons des femmes de la société. C’est d’une immoralité décente ! Voyons, messieurs, quoi de nouveau ?
— Qu’elle a d’esprit ! — se dit Maurice. — Ah ! bientôt, moi aussi, j’aurai mon anecdote à raconter. Combien j’ai honte de mon silence !
— Vous savez, messieurs, que le Tigre a trouvé…
— Quel tigre ?
— Eh ! parbleu ! Justine Bardou, surnommée le Tigre.
— C’est charmant ! Il n’y a qu’un Paris au monde ! — pensait Maurice cédant à l’hilarité d’une demi-ivresse ; — dire qu’en parlant de Carabine et de Tigre, il s’agit de femmes !
— Donc, le Tigre a trouvé, chez Dorneville, en furetant ses papiers, des lettres très-compromettantes de la duchesse… de…
— Trois Étoiles ! soyez discret, mon cher.
— Dites donc tout bonnement : la duchesse de Hauterive ; nommer Dorneville, n’est-ce pas la nommer ? — reprit madame de Hansfeld.
Et, jetant un regard fixe et ardent sur Maurice :
— Le nom de l’amant dit le nom de la maîtresse ! et je gage, cher Maurice, que peut-être les indiscrets ou les envieux pourraient déjà, en entendant citer votre nom, le faire suivre d’un nom de femme… Qu’en pensez-vous, monsieur d’Otremont ?
Richard pâlit, fut sur le point d’éclater ; cependant se contint encore et répondit froidement :
— Il est, en effet, madame, des noms de femmes qui se complètent forcément par le nom de leur amant, ou par quelque épithète…
— Et de quelle nature… cette épithète, mon cher monsieur ?…
— De la nature de la femme, chère madame.
— Ce n’est pas très-clair, cher monsieur.
— Je serai, chère madame, une autre fois plus compréhensible.
— Je demande la fin de l’aventure du Tigre et de la duchesse de Hauterive, — reprit l’un des convives. — Écoutons.