hier ne m’a-t-elle pas juré que tout serait rompu entre nous si j’allais rejoindre Antoinette, qui m’attendait dans sa voiture. Pauvre Jeane ! elle m’avait poussé à bout par ses mordantes railleries contre madame de Hansfeld, dont elle était jalouse. Et pourtant, chère et innocente fille, je t’aime, je t’aimerai toujours comme une sœur, mais d’un autre amour que celui dont je suis possédé pour Antoinette… Mon Dieu ! quel chaos que ma pensée !
Pendant ces réflexions de Maurice, le fiacre qui le conduisait se rapprochait de plus en plus de l’hôtel des Étrangers.
LXIV
Les divers fournisseurs envoyés à Maurice par M. d’Otremont arrivèrent ponctuellement à l’hôtel des Étrangers vers huit heures du matin. Plusieurs d’entre eux, tels que le chemisier, le joaillier, le marchand de cannes (à cette époque on portait le soir des cannes d’un grand prix), se munirent des échantillons de leur industrie ; ils demandèrent M. Maurice Dumirail, apprirent qu’il n’était pas rentré à l’hôtel depuis la veille, mais que son retour ne pouvait tarder de beaucoup, et, sur l’invitation de l’hôtelier, ils allèrent attendre leur nouveau client dans la chambre destinée à son père et alors inoccupée ; la principale entrée, complétement indépendante de l’appartement de madame Dumirail, donnait sur l’escalier ; mais une porte intérieure communiquait au salon.
Ces divers marchands ayant presque tous, chacun selon son commerce, la même clientèle parmi le monde élégant, se connaissaient, et, en attendant le jeune provincial, ils s’entretenaient de la sorte :
— Messieurs, ne serait-ce pas M. d’Otremont qui vous aurait, ainsi qu’à moi, recommandé le client que nous attendons ?
— Oui, oui.
— M. d’Otremont, étant excellent au point de vue de l’acquit