Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sitation l’empêchait encore d’accepter. — Je ne contracte cet emprunt qu’à cette condition absolue.

— C’est entendu, monsieur, — répondit M. Léon présentant toujours les billets à Maurice ; — mais, du moins, pour pouvoir me rendre la somme, commencez par la prendre.

Maurice reçut enfin des mains de son tentateur les billets de banque, et, au moment où il prenait la plume afin d’écrire le reçu de la somme, une remémorance à la fois puérile, sinistre, traversa l’esprit de Maurice.

Il se rappela ces légendes, le charme et l’effroi de ses premières années ; ces légendes racontées le soir, au coin du foyer paternel, et dans lesquelles un personnage mystérieux, étrange, aux yeux flamboyants, au sourire diabolique, évoqué dans un carrefour de la forêt par quelque désespéré, lui faisait signer de son sang un pacte où il vendait son âme pour des pièces d’or.

Mais le jeune provincial, se reprochant bientôt sa niaise faiblesse, haussa les épaules et signa le reçu.

Ô Maurice ! pauvre enfant ! bientôt déchu de tes mâles vertus, de ta noble candeur, elle est d’une terrible vérité, cette comparaison puisée aux naïfs souvenirs de ton enfance ; le pacte infernal est signé ! Tu as vendu ton âme, Maurice ! de ce jour, elle est à jamais vendue au démon des passions mauvaises, effrénées, criminelles peut-être !

Oui, elle est vendue, ton âme, elle ne t’appartient plus !


LVII


Madame Dumirail occupait une partie de l’entre-sol de l’hôtel des Étrangers, situé dans la rue de l’Université ; quelques détails sur la distribution de ce logis seront nécessaires à l’intelligence de plusieurs scènes de notre récit.

Une petite antichambre fermée, donnant sur l’escalier principal de la maison, précédait l’appartement et était percée de trois