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— Pauvre Maurice ! je vous ai écouté avec une attention profonde ; je bénis Dieu de m’avoir placée sur votre route, afin de vous préserver de bien des périls. L’envie que vous ressentez n’a rien qui me surprenne ; elle est légitime, et vous pouvez aspirer à la satisfaire dans une certaine mesure… en usant, mais n’abusant pas… des plaisirs de votre âge, en restant fidèle aux excellents principes dans lesquels vous avez été élevé, Maurice, et…

Puis, s’interrompant, madame de Hansfeld ajouta :

— Vous me trouvez sans doute trop moraliste pour une femme de vingt-cinq ans, mon ami ; mais…

— Oh ! parlez, madame, parlez ! Ces conseils donnés par vous sont pour moi précieux ! Il me sera si doux de les suivre !

— Cher et bon Maurice, merci, merci… vous m’encouragez… Ah ! c’est que, voyez-vous, rien n’est plus timide, plus défiant de soi-même que le véritable am…

Madame de Hansfeld n’acheva pas le mot amour, mais un tressaillement de Maurice et la rougeur dont se couvrit son visage témoignèrent qu’il avait compris la signification du mot inachevé, ainsi que la cause de la réticence d’Antoinette. Elle reprit en baissant les yeux :

— Rien, dis-je, de plus timide, de plus défiant de soi-même que la véritable amitié : elle craint parfois de choquer, d’ennuyer, parce qu’elle est sérieuse, parce qu’elle est prévoyante, parce qu’elle doit souvent emprunter le langage austère de la raison. Ainsi donc, Maurice, écoutez-moi ; si vous suivez mes avis, vous ferez deux parts de votre vie : l’une appartient de droit à votre excellente mère, que vous ne pouvez trop respecter, trop adorer…

— Ah ! madame, je l’aime tant ! — dit Maurice s’efforçant de se rattacher à la pensée de sa mère, afin de dominer le trouble où le jetait le demi-aveu d’amour qui paraissait avoir échappé à Antoinette ; — je suis heureux de vous entendre parler ainsi de ma mère !

— Ne suis-je pas votre sœur, mon ami, et, à ce titre, n’ai-je pas le droit aussi d’exprimer mon respect pour celle que vous chérissez à tant de titres ? Ainsi donc, vous disais-je, la part la plus considérable de votre vie doit être consacrée à votre mère, à votre fiancée, qui sera si fière un jour de porter votre nom, et encore plus heureuse, selon moi, qu’elle ne sera fière… — ajouta madame de Hansfeld étouffant un soupir.

Puis elle reprit, comme si elle eût voulu échapper à une pensée pénible :

— La plus grande part de votre temps sera donc consacrée à