Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Bonne et chère créature !… je n’ai jamais douté de ton cœur… mais…

Puis, s’interrompant, Charles Delmare ajoute :

— Songeons au présent, il est assez triste…

Et, réfléchissant, il se dirige vers le salon, s’assoit devant la table où est déposé son nécessaire à écrire, en or ciselé, puis il trace à la hâte ces mots :

« Madame,

« Je serai à Paris presque en même temps que vous y serez vous-même ; je vous en conjure, dès votre arrivée, faites-moi connaître votre demeure, et adressez votre lettre bureau restant, à M. Delmare. Dieu fasse que je puisse vous aider à conjurer les malheurs que vous pressentez ainsi que moi !

« Agréez, etc.

« Ch. Delmare. »

Le père de Jeane plie la lettre et la remet à Geneviève, en lui disant :

— Écoute-moi, nourrice, tu vas aller au Morillon.

— Bon.

— Tu tâcheras d’approcher de quelque domestique de la maison.

— Très-bien.

— Tu feras en sorte que ma lettre soit remise à madame Dumirail en personne.

— Sois tranquille.

— Et, autant que possible, sans que M. Dumirail sache que j’écris à sa femme.

— Je comprends… Je m’adresserai à Josette, qui, ce matin, paraissait si triste du départ de ses maîtres ; je passerai en même temps au bourg, afin d’envoyer quelqu’un à Nantua pour arrêter nos places à la diligence… Je verrai aussi la mère Arsène… Tu n’as pas d’autre commission ?

— Il faudra que ton messager s’informe du meilleur orfèvre de Nantua.

— Un orfévre ?

— Demain, en passant, je lui proposerai d’acheter mes deux nécessaires de voyage. Ils valent, ne comptât-on que le poids de l’or, quatre ou cinq mille francs. Cette somme peut nous être d’une utile ressource.