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XXXIX


Maurice et Jeane, à l’aspect de leur ami, se levèrent et l’accueillirent avec leur cordialité habituelle. La jeune fille lui dit :

— Venez, venez, cher maître, car je vous aurai certainement pour auxiliaire dans ma lutte contre les projets ambitieux de Maurice.

— N’en doutez pas, chère mademoiselle Jeane.

— Ainsi, cher maître, — reprit Maurice, — j’agis sagement en renonçant à la généreuse ambition que m’inspirait mon amour pour Jeane ?

— Je vous adresserai une question, mon enfant, avant de vous répondre. Vous rappelez-vous qu’hier, au risque de vous faire momentanément douter de mon amitié, je vous engageais instamment à écouter les paroles de votre cousin, si pénible, si odieux que fût pour vous cet entretien ?

— Il est vrai, — reprit Maurice ; — je me suis d’abord révolté contre vos avis, dont je ne voyais pas le but, cher maître, quoique vous disiez à ce sujet que les breuvages salubres sont souvent amers.

— Cette comparaison était juste, car maintenant se manifestent les effets salutaires de cette coupe d’angoisse vidée par vous jusqu’à la lie ; oui, sans doute, — ajouta Charles Delmare, comprenant le regard interrogatif des deux fiancés. — Ainsi, chère demoiselle Jeane, avouez qu’en écoutant San-Privato et laissant ainsi libre cours à son audace, vous avez été effrayée ; avouez encore que l’effroi a éveillé en vous cet instinct de conservation morale qui vous faisait vous écrier, en vous jetant dans mes bras : « Sauvez-moi ! »

— Vous ne vous trompez pas, — répondit Jeane tressaillant et après un instant de réflexion ; — non, vous ne vous trompez pas, cher maître.

— Enfin, quant à vous, Maurice, — ajouta Charles Delmare, —