― Tu me parais si parfaitement satisfaite, — répondit M. Dumirail avec une aigreur à peine contenue, — tu te félicites si complaisamment toi-même, qu’il me semblait superflu de faire chorus avec toi.
— S’il en est ainsi, c’est différent… mais je pensais que peut-être, mon cher frère, tu éprouvais… mon Dieu ! comment dirai-je ? car je serais au désespoir de te blesser…
— Je n’en doute point.
— Je pensais que, peut-être… tu étais… malgré toi… jaloux de mon fils…
— Moi ?
— Non pas jaloux personnellement, bien entendu, mais jaloux pour ton fils.
— C’est absurde !
— Pardon, mon frère… c’est que je me rappelais…
— Achève…
— Tu prétendais tantôt que ce pauvre gros Maurice, si, par impossible, il eût embrassé la carrière diplomatique, s’y serait aussi brillamment distingué que mon fils ?
— Je maintiens ce que j’ai dit.
— Libre à toi, mon frère ; mais enfin, tu ne feras pas que ton fils soit jamais chargé d’affaires, à vingt-quatre ans… Il aura sans doute, à cet âge-là, engraissé beaucoup d’estimables bœufs, beaucoup de porcs délectables, et surveillé l’intéressante confection d’une infinité de délicieux fromages ; mais…
— Ma sœur, — dit brusquement M. Dumirail, — qui vivra verra !
— Que verra-t-on, mon frère ?
— On verra, ma sœur… ce qu’on verra !
— Mais encore ?
— On verra peut-être des choses auxquelles on est loin, et très-loin de s’attendre.
— Ton fils ambassadeur, peut-être ?
Et madame San-Privato éclata de rire ; puis, cette sardonique hilarité calmée :
— Je serais désolée de t’avoir blessé involontairement, mon frère ; mais, à cette idée bouffonne de Maurice ambassadeur, le fou rire m’a prise… Mon frère, tu ne me réponds pas ?
— Je réfléchis.
— À quoi ?
— À la brillante destinée de Son Excellence monsieur ton fils. Tu pardonneras, je l’espère, mon silence en faveur du motif qui