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pide bonheur. Frère indigne ! toi qui, en te mariant à quarante ans, as, par ton égoïsme, dépouillé mon Albert de ton héritage ; toi dont la crasse avarice me laisse exproprier ; toi qui, avec tes semblants de générosité fraternelle, n’as pas d’autre but que de m’humilier outrageusement en m’offrant de vivre dans ta maison, où je serais traitée comme une espèce de vieille folle que l’on recueille avec une dédaigneuse pitié ! Oui, j’en ai l’invincible pressentiment, votre bonheur à tous sera bientôt troublé ! Quelle joie ! quelle joie ! Va, je suis vengée maintenant !

Pendant que madame San-Privato se réjouissait ainsi du mal qu’elle espérait faire, le chariot était arrivé en face du chalet, où se trouvaient réunis Albert San-Privato, Maurice, Charles Delmare, madame Dumirail et Jeane. Les provisions contenues dans le caisson du char furent déballées par les gens du chalet, et bientôt la famille Dumirail prit place autour d’une table dressée sous le porche de l’habitation rustique.


XXIV


Cette partie de montagne, si allégrement projetée la veille, était loin d’offrir l’animation, la gaieté habituelle de ces sortes d’ascensions, car la plupart de nos personnages cédaient à des préoccupations à peine dissimulées par le savoir-vivre.

Charles Delmare, encore sous le coup de l’épouvante où l’avait plongé l’appréhension de voir le secret de sa vie au pouvoir de San-Privato, éprouvait cependant, quoique à peu près rassuré, une sourde inquiétude pour l’avenir. Le jeune diplomate affirmait sans doute la réalité de l’existence du célèbre peintre allemand Wagner ; mais cette affirmation, malgré son apparente sincérité, pouvait n’être qu’un mensonge, cacher un piège et de méchants desseins, se disait Charles Delmare. Ces craintes vagues étaient, d’ailleurs, compensées par une observation où il puisait d’heureuses espérances. Jeane, enfin triomphante dans sa lutte contre la funeste influence de San-Privato, qu’elle subissait involontairement, semblait être revenue tout entière (et sans arrière-pensée de comparaison) à Maurice, de qui elle s’était empressée de pren-