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reprit impatiemment M. Dumirail. — Est-ce qu’en parlant de ton fils je répète incessamment : ce maigre petit Albert ?

— D’abord, mon fils n’est pas petit… il est de taille moyenne, ― répliqua madame San-Privato ; — ensuite, il n’est pas maigre… il est mince. Distinguons, s’il te plaît !

— Et mon fils, est-ce qu’il est gros ? est-ce qu’il est obèse ? — riposta M. Dumirail ; — il est robuste et vigoureux comme un enfant des montagnes, et je ne conseillerais pas à Albert d’entreprendre de suivre son cousin à la chasse, ne fût-ce que pendant une heure.

— Mon Dieu ! mon frère, nous sommes d’accord : Albert serait tout aussi embarrassé de suivre ton fils à la chasse, que ton gros Maurice serait embarrassé de paraître dans un salon diplomatique à côté de mon fils.

— Je n’admets point cela du tout.

— Comment ! tu prétends ?…

— Je prétends qu’habillé par le tailleur à la mode, mon fils serait tout aussi présentable que le tien dans tous les salons imaginables, tandis que je défierais Albert de chasser en montagne.

— Mais, mon pauvre frère, sache donc, toi qui n’as jamais quitté ton Jura, que le phénix des tailleurs serait impuissant à métamorphoser en homme du monde ce bon… Maurice (je ne dis plus gros, puisque cela te choque). Est-ce que l’on achète avec l’habit cette aisance, cette distinction des manières que l’on ne peut acquérir qu’en fréquentant, dès l’adolescence, une société d’élite ? Non ; erreur, cher frère, profonde erreur ! À chacun de nos enfants son lot : à notre bon Maurice, la blouse et la veste de chasse, les souliers ferrés, les guêtres de cuir ; à lui le fusil, la charrue, l’écurie, la fromagerie, la bouverie ; à lui les simples et utiles travaux des champs. Créé et mis au monde pour la vie campagnarde, qu’il se conforme à sa destinée, qu’il ne s’avise point de vouloir sortir de sa sphère, tout sera pour le mieux ; mais la destinée de mon fils est toute autre… À lui l’élégance raffinée, les succès de salon, les relations les plus flatteuses avec les têtes couronnées, les distinctions honorifiques, et, un jour, mieux que cela… car il doit prétendre à tout… étant, à vingt-quatre ans, second secrétaire d’ambassade et doué d’une capacité hors ligne. Oui, grâce à cette capacité, grâce à la faveur du roi de Naples, qui le protège particulièrement, mon fils, tôt ou tard certainement ambassadeur, peut aspirer à être ministre des affaires étrangères… et qui sait ?… président du conseil… et de la sorte, à gouverner, pour ainsi dire, son pays. Tu me répondras, je le sais,