moralement et physiquement, ce bon gros Maurice n’est pas fait, n’est pas né…
— Cette exclusion, ma sœur, me semble au moins étrange.
— Et à moi, elle me semble fort naturelle.
— Et quelles sont, de grâce, ces carrières dont mon fils se trouve naturellement exclu ?
— Que sais-je ? il en est plusieurs…
— Soit ! précise-les, du moins.
— Je n’ai pas besoin de te dire que je suis la première à reconnaître les qualités de cet excellent Maurice ; mais cependant, cher frère, tu avoueras… et je te cite ceci comme exemple… parce qu’il nous crève, comme on dit, les yeux… tu m’avoueras, dis-je, que si, par impossible, ton fils s’était imaginé de… de…
Madame San-Privato, s’interrompant, feignit de contenir d’abord et à grand’peine un violent accès d’hilarité, auquel cependant elle parut céder en poursuivant ainsi :
— Je dis… que… si ce… pauvre Maurice… ah ! ah ! ah ! s’était mis… d’aventure, dans la cervelle… ah ! ah ! ah ! d’embrasser la carrière diplomatique, ah ! ah ! ah !…
Et, affectant d’être surprise de ce que M. Dumirail conservait son sérieux, madame San-Privato ajouta :
— Comment, mon frère, tu ne ris pas ?
— De quoi rirais-je ?
— De cette idée saugrenue.
— Quelle idée ?
— Ton fils… diplomate ?
— Pourquoi pas ?
— Tu me le demandes ?
— Certes…
— Allons, mon frère, tu plaisantes.
— Je parle très-sérieusement, au contraire.
— Quoi ! Maurice… si simple, si bon enfant ?…
— Ah çà ! ma chère Armande, est-ce qu’à Paris l’on confondrait par hasard la bonté du cœur avec la stupidité, la simplicité des habitudes avec la grossièreté ?
— Non, sans doute ; mais enfin, un homme aussi sensé que toi, mon frère, conviendra que certaines personnes sont aptes à certaines carrières et non point à d’autres ; or, tu te moquerais de moi fort judicieusement si je prétendais qu’Albert, avec sa nature élégante et délicate, est né pour cette vie montagnarde et campagnarde si justement affectionnée par notre bon gros Maurice.
— Ce bon gros Maurice… toujours ce bon gros Maurice !… —