épaisse charmille, prolongée depuis cet endroit jusqu’au rez-de-chaussée de la maison d’habitation et destinée à abriter la terrasse contre la bise du nord.
Charles Delmare ayant vu s’éloigner les servantes à qui Jeane venait de donner sans doute ses ordres et celle-ci demeurer seule sous la tonnelle, il s’en rapprocha précipitamment, rendant grâce au hasard qui lui ménageait, en ces graves conjonctures, quelques moments d’entretien tête à tête avec sa fille ; à peine fut-il près d’elle, que, d’un regard rapide, furtif, plein d’angoisse, il tâcha de lire sur sa physionomie les traces des impressions qu’elle avait ressenties le jour précédent ; mais, quoique légèrement pâlis par l’action des ressentiments si divers, les traits de la jeune fille étaient alors empreints d’allégresse et de sérénité ; aussi salua-t-elle Delmare de cette joyeuse exclamation :
— Quel bonheur, cher maître, vous voilà, vous voilà !
— Vous paraissez bien joyeuse, ce matin, chère mademoiselle Jeane, — dit Charles Delmare dominant son émotion. — De votre joie je devine la cause : le temps est magnifique et favorise notre partie de montagne.
— Telle n’est pas la cause de ma joie, cher maître.
— Vraiment ! Et cette cause, quelle est-elle donc ?
— Il s’agit d’un secret.
— Un secret ?
— Oui ; mais il ne m’appartient pas à moi seule ; ma tante, mon oncle et Maurice le savent aussi et sont les seuls qui doivent le savoir.
— Eh bien, je l’avoue, je leur envie la connaissance de ce secret qui vous rend si heureuse.
— L’envie est un mauvais sentiment, cher maître, je veux vous l’épargner.
— C’est généreux, mais…
— Oh ! ne craignez rien, je ne commettrai en cela aucune indiscrétion.
— Cependant il s’agit, dites-vous, d’un secret ?
— Certes, mais peut-il exister un secret pour vous, pour vous que moi et Maurice aimons tant ! pour vous, enfin, le meilleur ami de mon oncle et de ma tante ? Aussi m’ont-ils autorisée à tout vous dire… Vous ne devinez pas ?
— De grâce, prenez en pitié mon impatience !
— Maurice et moi, nous nous marions bientôt, — répondit Jeane avec l’accent d’un allégement indicible, comme si, en ce