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mais perdu notre bienfaiteur… celui qui nous traitait en frères… celui qui nous aimait en amis… celui qui prêchait généreusement un exemple que d’autres bons cœurs auraient suivi tôt ou tard ;… de sorte que, peu à peu, de proche en proche, et grâce à vous, l’émancipation des prolétaires aurait commencé… Enfin, n’importe, pour nous autres, enfants du peuple, votre mémoire sera toujours sacrée… oh ! oui… et nous ne prononcerons jamais votre nom qu’avec respect, qu’avec attendrissement… car nous ne pourrons nous empêcher de vous plaindre…

Depuis quelques moments, Agricol parlait d’une voix entrecoupée ; il ne put achever ; son émotion atteignit à son comble ; malgré la mâle énergie de son caractère, il ne put retenir ses larmes et s’écria :

— Pardon, pardon, si je pleure ;… mais ce n’est pas sur moi seul, allez, car, voyez-vous… j’ai le cœur brisé en pensant à toutes les larmes qui seront versées par bien des braves gens qui se diront : « Nous ne verrons plus M. Hardy… plus jamais. »

L’émotion, l’accent d’Agricol, étaient si sincères, sa noble et franche figure, baignée de larmes, avait une expression de dévouement si touchante, que M. Hardy, pour la première fois