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et que, séparés, nous parcourions le monde d’un pôle à l’autre, que de fois nous avons assisté au réveil de la nature avec un sentiment de douleur incurable ! Hélas ! c’était encore un jour à traverser… de l’aube au couchant ;… un jour inutilement ajouté à nos jours, dont il augmentait en vain le nombre puisque la mort nous fuyait toujours.

— Mais, ô bonheur ! depuis quelques temps, mon frère, le Seigneur, dans sa pitié, a voulu qu’ainsi que pour les autres créatures, chaque jour écoulé fût pour nous un pas de plus fait vers la tombe. Gloire à lui !… gloire à lui !…

— Gloire à lui ! ma sœur… car depuis hier que sa volonté nous a rapprochés… je ressens cette langueur ineffable que doivent causer les approches de la mort.

— Comme vous, mon frère, j’ai aussi peu à peu senti mes forces, déjà bien affaiblies, s’affaiblir encore dans un doux épuisement ; sans doute le terme de notre vie approche… La colère du Seigneur est satisfaite.

— Hélas ! ma sœur, sans doute aussi… le dernier rejeton de ma race maudite… va, par sa mort prochaine, achever ma rédemption… car la volonté de Dieu s’est enfin manifestée ;… je serai pardonné lorsque le dernier de mes rejetons aura disparu de la terre… À celui-là…