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à ce passé dont je détourne toujours mon esprit avec crainte et horreur.

« Alors m’apparurent les touchantes victimes de ces terribles et mystérieux événements dont on n’a jamais pu sonder et éclairer l’effrayante profondeur, grâce à la mort du père d’A*** et du père R*** ainsi qu’à la folie incurable de madame de Saint-D***, tous trois auteurs ou complices de tant d’affreux malheurs. Malheurs à jamais irréparables ; car ceux-là qui ont été sacrifiés à une épouvantable ambition auraient été l’orgueil de l’humanité par le bien qu’ils auraient fait…

« Ah ! mon ami, si vous saviez quels étaient ces cœurs d’élite ! Si vous saviez les projets de charité splendide de cette jeune fille, dont le cœur était si généreux, l’esprit si élevé, l’âme si grande… La veille de sa mort, et comme pour préluder à ses magnifiques desseins, ensuite d’un entretien dont je dois, même à vous, mon ami, taire le secret… elle m’avait confié une somme considérable, en me disant avec sa grâce et sa bonté habituelle : « On prétend me ruiner… on le pourra peut-être. Ce que je vous remets sera du moins à l’abri… pour ceux qui souffrent… Donnez… donnez beaucoup… Faites le plus d’heureux possible. Je veux royalement inaugurer mon bonheur ! »