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vous refusez de vous battre… c’est par peur… Ah ! il vous faut le bruit de la guerre ou les regards des témoins d’un duel pour vous donner du cœur…

— Monsieur… prenez garde ! dit le père d’Aigrigny, les dents serrées et en balbutiant, car, à ces écrasantes paroles, la rage et la haine lui firent oublier sa peur.

— Mais il faut donc que je te crache à la face, pour y faire monter le peu de sang qui te reste dans les veines !… s’écria le maréchal exaspéré.

— Oh ! C’est trop ! c’est trop ! dit le jésuite.

Et il se précipita sur le morceau de lame acérée qui était à ses pieds en répétant :

— C’est trop !

— Ce n’est pas assez, dit le maréchal d’une voix haletante ; tiens, Judas…

Et il lui cracha à la face.

— Et si tu ne te bats pas maintenant, ajouta le maréchal, je t’assomme à coups de chaise, infâme tueur d’enfants…

Le père d’Aigrigny, en recevant le dernier outrage qu’un homme déjà outragé puisse recevoir, perdit la tête, oublia ses intérêts, ses résolutions, sa peur, oublia jusqu’à Rodin ; une ardeur de vengeance effrénée, voilà tout ce qu’il ressentit ; puis, une fois son courage revenu, au lieu de redouter cette lutte, il s’en